BAROUDEUR
DE CONSCIENCE
Baroudeur dans un monde
grave
Grave au-delà de tout silence
Ressemblance avec la vie d’ici qui nous traque / science-fiction sortie -Non du trou d’actualités-acte des rejetés : aux messes cathodiques
Des pubs politiques / Chôme-heures bloqués Chôme-dur Chaumes au toit / Toi au souvenance de ferme des vallées d’eau
Dos aux Afriques blessées / partir du dernier espoir vers les cimes du futur
Comme un vent de valse violons d’étranges anges guides lead
Acteur à
Bayreuth Guitariste à
Seattle
Violent lent vie, au lent
Lenteur
d’heure Baroudeur
Jaillir
Premier Toi qui /
somme
Homme de
terre
Aime
ce qu’il sème de graines
Aux lumières souterraines ou à pleins champs
Près au larmes de révoltes jeunes Touche à la révolte du faible
Qui change de peau aux armes des mots et des sens
aux âmes, celles qui en troupeaux remontent
calmes aux
prières inventées dans la cyberg
Au
calme il y
a tout à prendre en
digital de l’archange
Baroudé dans toutes les
formes pensées
partir du dernier espoir
Vers les cimes du futur Un baroudeur de la conscience
Au dur de sa
vie Au dur du monde
il va vers une recherche infinie
Informelle
aux ailes du
temps
si présent si loin
préparant
D’autres
temps Une ère qui
brille Du faire vivre
autrement enfant du 3e millénaire
débuter le siècle dans l’aimer
baroudeur mutant
Ensemble on va trouver
fébriles des îles nouvelles
programmer prendre
Internet Inter Monde en direct dans
ta chambre de toute la planète
Saisir la chance Cliquer la danse Cyber culture Passé l’usure de l’art
De tout ce qui peint sans espoir
Faire un gel
d’images Images d’une
belle
Infante du roi
de ton jeu
Fée logiciel à tes côtés Tirer la carte de l’événement à faire
Affaire venue des voix entre ciel et terre
Affaire venue des voix entre ciel et terre
BAROUDEUR
Le véritable ennemi n’est plus au loin, en face, c’est soi : la manière
de regarder, juger, faire, l’acceptation des pouvoirs, des images, la
peur des nouveaux outils, de l’autre.
Sagesse est marginale, sauvage, cachée, paumée dans des banques de
données sans fin. le secret de ceux qui restent debout dans la
lumière,
présent vivant constructeurs, dans le plus profond du noir.
Nous sommes à un moment unique de l’histoire, comme tous les gens ont
toujours été à un moment unique de l’histoire, sauf que là c’est
maintenant, et c’est Nous.
Dans une marche d’objectifs, ou dans l’écoute du fil du temps, il y a toutes les réponses philo-spirit, fil haut !
J’ai été attiré par les vendeurs de sagesse, par les trucs pour vivre mieux, comme je suis attiré par les vendeurs de rêves.
Lecture du corps chez Re-né : Renaître plusieurs fois en douceur. Re-né aidait à mettre de l’ordre dans la maison de l’esprit.
Les ancêtres nous laissent un temple qui peut être souvent un taudis à réparer. Pourriture,vents partout ou faiblesse des fondations, murs troués, cime de toit inexistante,
beaucoup de travail chaque jour pour en faire une base. Juste un peu chaque jour, à son rythme et le palais se reconstruit.
Des milliers de livres sur les rayons, rentrer dedans et faire son
propre livre vivant, cette fabuleuse maison entourée de jardins
poétiques et de forêts personnelles,
même si elle est très imaginée, ou muter en vrai quelque part, la pièce centrale c’est le corps…
— Le corps obéit si nous savons lui parler
— La propre écriture d’histoire dans le corps
— Les paroles agissent, les pensées pétrissent la matière de ce corps-là…
Agrandi en le vivant, un art de lecture, de divination dont le grand instrument musical est le corps.
Quand nous nous
sommes trouvés mal, sur les bancs, perdu dans Paris, perdu sans
équipage, sans vaisseau spectacle, j’ai cherché un éclaireur, j’ai vu
quelques psy tristes,
Je cherchais de l’énergie brute, claire, puissance et richesse à
bouger, l’image le visible pareil à l’invisible, du riant, du tonique,
du « IN ».
Re-né Casimir a ouvert
sa porte, il n’a pas regardé le portefeuille, ni le degré de la dérive,
ou il n’en a rien dit. Nous avons été invité à participer.
J’ai ouvert un classeur de sagesse vécue, beaucoup noté.
C’est le début de L'YD voyage dans le développement personnel et imagé. Imagé il n’y a plus qu’à le faire…
Le
duo est à l’intérieur de la légende de l’histoire dans mon cerveau. Il
a été décidé, forcé, de sortir du pilotage, je fais un scénario de
spectacles pour enfants avec le récit.
Avant de me lancer, Morange me propose de jouer un rôle dans un opéra
rock qu’il mettait en chantier. Avec lui, c’est forcément poésies,
trains, cabines téléphoniques, nuits.
Il a tout écrit, équilibré, sur le fil coupant de la vie intense. Cela
s’appelle Passion blanche. J’accepte. Pensant m’enfuir de moi.
Je pars, une gare, un train, une blonde tout en lecture et en jambes sur la banquette. Echanges de fusées d’yeux. Elle mâche son chewing-gum dans une lecture rouge.
La nuit liseuse, la moue qui tourne autour des lèvres. Le temps de lire tout le livre est sur les rails et le temps d’en écrire un.
Cette peau nue a bien à
voir avec l’Express, avec celui qui va de capitale en capitale, de
coeur de la bête en coeur de la bête, avec celui qui a tout à remettre
en marche,
avec celui qui parle en langage inventé pour les nuits de train,
victime au bord du nouveau, pour ces cahiers qui n’en finissent plus
d’être des cahiers,
cimetières de ces vécus écrits à là très vite.
Elle s’appelle « l’écriture », elle est libre, donne envie de la partager.
Elle peut se faire dans la fatigue, semble heureuse comme si ces traits
portent l’empreinte de celle, passé par les heures dures et les
détours.
Elle peut s’endormir et fermer le livre. Rondeur originelle moulée dans le noir du trajet, du train qui file. Ne rien dire mais être consentante.
Nous nous arrêtions à
toutes les gares, « l’écriture » dormait. J’allais peut-être la suivre
dans ce calme en espérant que nous nous réveillerions d’un formidable
jet d’un autre présent.
Une dose énorme de
nouveau dans un autre pays, un autre corps, une autre naissance
perpétuelle, avec l’écriture qui vient, celle qui dort en montrant ses
formes,
celle qui n’a pas peur du regard qui déshabille. Celle qui s’invente un vent inventif. L’écriture a changé de position,
s’est tournée autrement mais son corps s’est remis érotique et sa fente
est visible, que les lumières de la nuit soient témoins, la soie est
moulante,et le soi et l'écrit.
Dormir, se réveiller, parler avec l’écriture. Ce train met une éternité, s’arrête. Je vais chercher des bières, c’est glacé sur le quai et la glace entre en moi.
Une remontée avec elle
alors que le froid descend, les lumières se rallument, nous repartons
au bout de la nuit de coeur de train.
Quand le train roule, tout marche, tout est sensé, si on lit, écrit, si on se regarde. Quand l’arrêt se prolonge, tout se barre, plus rien ne s’explique
il ne faut pas arrêter
les trains en route sans raison au centre de la nuit et de l’hiver, en
pleine Europe glacée. Nous sommes là pour rouler, pour sentir le monde
en roulant,
pour goûter aux lumières rapides, aux murs éclairés, à la pénombre qui
passe, aux gestes insoupçonnés, à ce qui remonte quand tout est couché,
aux attirances épisodiques,
aux terrains blancs, au gommage des guerres.
Frontières, arrêt prolongé, tout est rebloqué. Le stoppage n’est pas prévu dans la course.
Prenons comique. Le
voyage durera toute une nuit, s’arrêtera à toutes les stations, il en
inventera, il y aura des douanes multiples avec des vérifications
d’identité totales,
la fatigue sera distribuée, le temps passera sans que nous passions. La
passion voyageuse s’éteindra, nous aurons envie d’arriver, de quitter
l’écriture pour le lit,
à moins de mélanger le lit et l’écriture, d’en faire un métier, une
vraie foi de profession. Cette fois plus rien ne vient, écriture
relance moi !
Le train mettra plusieurs nuits à parcourir la petite Europe, puis s’arrêtant plusieurs jours à chaque gare.
Train fantôme qui se faisait voir car il restait plusieurs semaines à chaque station.
Même « l’écriture » ne suffisait plus, il fallait aller plus loin,
l’aimer sur la banquette discrètement ou bien violemment dans les
toilettes.
La bouche de l’écriture est énorme, impensable ce train arrêté, cette
fatigue qui monte, occasion pour faire une connaissance liée et
profonde.
C’est une question de neige, d’horaires.
— Nous ne pouvons pas gagner de temps sur le temps.
— Si en s’aimant.
Les mois passaient et nous étions toujours là à attendre le départ. Le plus long raid ferroviaire jamais enregistré.
Oubliés plusieurs années sur des voies de garage glacées.
L’avantage c’est que
nous ne vieillissons pas. L’écriture peut être intemporelle, effluves
du désir et de la chair laissent nos corps dans la jeunesse tendue tout
le temps qu’elle se fait.
Dix ans après notre
départ de Paris, je me souviens de ce jour où j’embrassais « l’écriture
» qui est aujourd’hui de plus en plus sexy à mesure que le temps passe.
D’ailleurs passait-il vraiment ? On savait que des générations
nouvelles apportaient tout un moderne différent. Le train redémarrait,
il y eut comme un succès ou une révolte, une précipitation, beaucoup de foules, « l’écriture » se grava dans les cahiers,
toute sa sexualité inonda les pages qui restèrent trempées et l’image de son corps charnel disparut sans savoir à quelle gare.
Le
train longeait la mer et son chemin scintillait juste en dessous du
soleil, comme tapis des dieux. Il y eut une gare, un stoppage.
Si il y avait à marcher,
ce serait à cet endroit, désert justement dans le visible de l’horizon,
l’écrivain vit quelque chose qui bougeait. Quelque chose de noir.
C’était le soleil qui peut-être lui faisait cligner des yeux, la
lumière qui lui donnait cette illusion d’ombre comme on a souvent dans
le rayonnement du Midi.
Il mit sa main juste en dessus de ses yeux. Oui, c’était une masse,
comme humaine, un point fragile qui grossissait, une marche, un homme
marchait sur la mer.
Il se mit à rire, se
demanda s’il avait trop bu au repas, en même temps il savait que ce
n’était pas une illusion, qu’il ne rêvait pas… un homme marchait sur la
mer, vers lui.
La compagne de l’écrivain qui était dans les falaises avec lui, avait
disparu. Elle avait laissé ses bottes et son blouson de cuir mais cela
ne l’étonnait pas,pas le temps de s’étonner.
Il scrutait l’immense
tapis doré qui tombait du soleil sur la mer et au centre encore loin,
mais totalement visible cette forme humaine qui marchait rapidement.
Avant qu’elle atteigne le plus grand brillant des vagues de la plage,
le temps s’arrêta : cette marche rapide d’après ces gestes, mais
terriblement longue d’après l’attente,
était comme un sommeil, comme une image arrêtée, un disque rayé.maintenant tout était très visible.
Il remit sa main juste
en dessus des sourcils pour que les rayons s'écrasent sur sa main mais
ne viennent en aucun cas brouiller la précision du regard dont il avait
besoin.
Il essaya d’ouvrir les yeux, ouvrir sa tête, comprendre.La forme était une femme sans cheveux. Entièrement noire et entièrement nue.
Et alors, comme si cette image n’était déjà pas invraisemblable, une
femme noire qui marchait sur la mer, alors, elle changeait de
teinte.
C’était le soleil ? Non
! Elle était marron et entièrement nue. La couleur variait c’était
mauve maintenant, une femme entièrement mauve et entièrement nue.
Quand
elle fut verte, elle était peut-être à cent mètres ou moins. Elle était précise.
Elle avait exactement la forme de sa compagne, exactement les mêmes
seins, la même croupe, comme dans un collant de danse, prenant le
visage aussi.
J’étais sur la scène, juste au-dessus, sur le côté. Morange avait
imaginé une chambre d’écrivain en hauteur, m’avait donné ce rôle, son
rôle en fait,
un conteur avec une machine à écrire, et lui avait prit le rôle du
héros. Il y avait un groupe de rock sur la scène, une gare, une
locomotive, une amoureuse, un pont pas loin.
L’histoire, il n’y a que lui pour la raconter. Mais moi, du haut de ma
chambre en surplombant le projet : je dirai c’était l’aventure quand il
n’y a plus d’aventure,
un film de poésie où les caméras étaient les yeux des spectateurs, il
devait y avoir l’art et la manière de regarder. C’était une vie
puissante rare opéra-night, rock-poèt.
Comme je ne m’étais jamais programmé l’esprit comédien, ce que j’avais
joué de navigateur, j’étais entré dedans dans le courant des jours.
Le fait de m’avoir donné
le rôle de l’écrivain intervenant en direct avant que ce ne soit écrit,
me mettait dans une sensibilité que je voulais continuer.
Encore une fois, je
prenait l’intérieur du rôle, pas le chanteur qui chante des chants où
il chante un écrivain, j’assurais pas la surface, le visible, je vivais
le personnage, l’invisible.
Tout seul à apprendre
les chansons au walk-man, les répétitions, la première ou la tournée,
c’était exactement la même chose dans la tête :
— Quand et comment je me mets à écrire ? Que faire de tous ces cahiers
d’écriture ?
Où est la confiance ? où
aller pour y croire ? avec qui ? Comment faire mi-écrivain mi-chanteur
? Comment vivre le temps d’écrire ? Combien ?
Il y avait toujours des feuilles de comptes entre les écrits… Pour
assurer la survie, pour compter les frais et s’étonner de la si petite
somme qui reste.
Pour la « Nef
Musiq des Lyds », j’ai trouvé des partenaires financiers, des théâtres
pour la jeunesse, des organisateurs qui ont acheté à l’avance.
L’histoire adaptée,
j’ai pris le rôle du navigateur Lyd, Danou a pris le rôle de la navigatrice. Elle voulait, voulait pas, je disais :
— « Si tu veux partir je
trouverai quelqu’un, si tu as envie c’est toi, la navigatrice
musicale,tu es ma naviguatrice ».
Nous avons pris une danseuse contemporaine pour faire l’androïde.c'etait un spectacle pour enfant,suite ou nouvelle experience.
Volodia
et Sylvia m’ont laissé leur bureau du Rivoli-cinéma pour téléphoner
toute la journée, trouver un théâtre en banlieue ? Où ?
Trouver une salle n’importe où pour se matérialiser. Il fallait une dose de folie, de marge. Je l’ai trouvée au théâtre de Villepreux.
Le directeur avait été attiré par les personnages que les navigateurs rencontraient en les jouant. J’avais augmenté les symboles.
Le berger c’était la nuit, l’hiver, la neige, et l’homme. La déesse était le matin, le printemps, la pluie et la femme. Les indiens : l’après-midi, l’été, le soleil et la tribu, le groupe.
Le fou sage du village, c’était le soir, l’automne, le rouge et la solitude. Le savant était l’hermite du tarot, le sage, l’intérieur, la maison-laboratoire.
Les chevaliers et les contrôleurs-programmateurs, l’extérieur et la
ville du présent : c’était le repaire pour les couleurs, les
éclairages, les costumes.
L’Olivier directeur nous
a ouvert les portes du théâtre pour monter l’histoire et pour vivre ce
qui était complètement hors des normes. Les coulisses sont devenues des
chambres,
le bar la cuisine, la nuit on se levait pour essayer une réplique sur la scène, se promener dans la grande maison-théâtre.
Tout dans le théâtre, les scènes de ménage, les câlins, les appels de
la bête à pénétrer, le rire, la sieste et les danses, la saveur des
mets mangés en marchant dans les rangées vides.
Nous avons monté trente
minutes. Montrer, séduire pour avoir les chèques signés, ouvrir la
fabrication. A trois, sans rien, ni décor, ni costume, tout à l’imagine.
L’androïde danseuse était une syll - vie haute tension, androïde divine qui tenait tout le reste, textes, musiques, et voix reposaient sur ses gestes.
L’argent arrivait,
c’était parti pour la construction. Comme sur un navire de corsaires,
il y eut dans l’équipage des gueules, des personnalités, des
mutineries, des réconciliations,
et le même désir d’aller au bout.
Pour raconter l’histoire de la terre vue des scientifiques actuels, je
n’avais pas envie de dire n’importe quoi, ou de copier un livre.
Il y avait très près une association d’astronomie : astronomes amateurs , où le mot « amateur » veux dire très professionnel.
Calcul, horaire,
télescope, machinerie, cahiers de bord, c’est bien de la navigation en
restant physiquement à la même place, c’est tout le restant qui
bouge.ils ont apporté ce réel.
L'élu pour mettre en situation trois robots-lumières, personnages immobiles, gardiens des souvenirs de la traversée :
une guérisseuse à gauche de la Nef, très verte avec d’innombrables
fioles, des onguents à toucher, des boutons à vibrer, des petits
pansements-songes,
toutes sortes de fruits oubliés, des graines d’angélique ou de mélisse, de la sauge.
Un enfant bleu à droite, un ado du partir, sorte d’ange bleui depuis plusieurs générations par le reflet des gardes de nuit.
Au milieu, une guerrière pacifique, rouge pour actionner le coeur et la
circulation, couverte de bardas, de frusques, affublée de protections .
Nous avions nous trois, les navigateurs, nos doubles sur des fauteuils
de commandes tournants. Ils avaient nos visages exacts. Ils étaient
censés conduire
quand nous étions absents. Ils se tournaient et c’était notre siège.
Devant, entourant les instruments de musique, les amplis et la table de
mixage, Lélut Jacques avait construit une table de pilotage qui
s’ouvrait en deux
pour la remontée du temps, se glissant sur les côtés pour laisser place
aux personnages. Les navigateurs devenaient alors immobiles.
C’était les robots des fauteuils, et ils pouvaient se transformer dans tous les êtres du voyage.
L'YD marchait très lentement comme s'il courait très vite avec un
ralenti. A côté, dans le même rythme, il y avait la navigatrice et puis
l’androïde
qui elle, ajoutait des pas plus complexes, des précisions robotiques.
A la fin de la remontée on prenait la table de commande, on tirait vers
les côtés des écrans. Arrivés, on se mettait dans nos fauteuils, on
tournait lentement.
Derrière, notre robot copie conforme prenait notre place. Le fauteuil
entièrement tourné, nous étions dans la coulisse. On courait vers les
loges pour se transformer.
Pour les costumes, il y avait une fille avec un nom à costumer à
Rio,chercher des étoffes dans la sierra madré : Sandra Pozzo Di borgo.
Un nom, un look à courir tout le Mexique de Matamoros jusqu’à Véracruz.
Se retrouver au bord du lac de Maracaïbo à la recherche de tissus
introuvables ailleurs.
Aller voir les bergers à San Miguel de Tucuman, pour prendre la ligne
des capes. Ses costumes étaient très typés, avec une dose hallucinante,
des alus, des dorés,
et des bottes pour rehausser les croupes, des lignes bandes dessinées, des habits sortis de derrière le sommeil.
Eve Sicard, fit de ses mains, dans son atelier d’artisanerie à
naissances, une bergère et un extra-terrestre qui lui ressemblait, qui
entrait dans ce théâtre à la Giono,
où des bergers pendant les veillées racontaient des légendes de la
montagne avec des marionnettes sorties de leurs longs manteaux.
Elle a un repaire en plein Paris, avec tous les ingrédients pour faire
exactement ce duo surnaturel, d’abord plein de petits personnages
elfés, gnomes méditatifs,
restants de draperies, d’années
lointaines, transmutées en rituel, juste ce qu’il faut pour une bergère
et un extra terrestre ardent, dressé au matin, dirigés
avec les mains :
Quelques cours pour faire les marionnettistes. Juste un jeu de
berger-bergère entre eux et le grand ciel de nuit des terres sauvages.
De très loin, un diamant blanc pour happer l’imaginaire, la Nef, est
une pyramide ouverte dont toutes les parois sont des écrans. Une quinzaine de projecteurs diapos,
gérés par ordinateur envoient et
fondent les images. La structure est construite par un ami
batisseur de décor,qui entra dans le corps de l'histoire,
un peu caché,suffisamment pour exiter la suite de l'éros-trajet de la
Nef,qui plus tard vivra sa ferraille en campagne avec les arbres.
La structure a
changé plusieurs fois d’architectures, avec les moyens du bord. Au
final la ferraille est lourde et les jours où il n’y a pas d’équipe
technique au montage,
toute l’énergie passe déjà à accrocher les barres, chercher les
numéros, tenir haut, soutenir, chercher, forcer à faire tenir les
écrans.
Après le spectacle, je marche au radar jusqu’au très lointain lit de la
nuit, avec juste une information : tout ranger, mettre dans le camion
et filer.
Cette structure de décor m’a bouffé les forces jusqu’au saignant des reins, m’a endormi debout.
Le jour de bons techniciens et de roadies, c’est un bon vaisseau
porteur de rêves. Nous avons dormi, aimé, dedans, installé sur la scène
avant le spectacle du lendemain.
Des équipes proches de notre traversée, prirent l’imagerie de la Nef en
mains, six à dix mains sur toutes les images brassées de la Nef, et
celles volées aux poubelles
de la grande presse par Orpi un collectionneur d’infos, puis je
transformais avec mes acides photographiques,bien avant les
logiciels,en trampant les images.
E.T.C entre Jarre et les images géantes sur montagne, me donnèrent
cette quinzaine de carrousels diapos,géré par un ordinateur,gros et
première génération,
à touches de couleurs,et cette fonction unique.Le boss avait le sens des cadeaux,le thème allait avec.

Dans le provisoire exceptionnel,pour le juste une fois, nous allions
faire entrer dans la Nef, une classe d’une école juste à côté du
théâtre.
Je les ai vus toute l’année, chaque semaine. En partant de la
personnalité de chacun, de leurs rêves, de leurs dons, de ce qu’ils
avaient formulé en réponses à ma proposition,
s’est construit doucement un spectacle d’eux, par eux, revisités par les possibilités imaginatives du vaisseau-musiq-images.
Ce n’était pas pédagogique, c’était affectif. Je serais incapable de le
renouveler plusieurs fois, car ils sont devenus au fil des semaines des
amis. Je connaissais leur prénom,
leur histoire, leurs réactions et l’instit rendait le courant possible,
l’augmentait. Sorte de liens familiaux d’exception informulés,
renforcés par le fait de savoir
qu’il y avait un but, une durée : le temps arrêterait violemment cette petite compagnie hors norme d’enfants de 8 à 9 ans.
On s’est servi les uns des autres pour monter un délire unique qui s’est joué une fois.
J’ai compris que j’étais encore dans une expérience, pas dans un métier renouvelable pendant dix ans ou plus.
Allaient venir après, d’autres expériences, mais aussi des « une fois » !
Le spectacle monté, l’histoire reconstituée en chair, en sons, en images, les représentations données dans le théâtre,
Olivier ne pouvait pas nous garder dans la maison des coulisses.
C’était déjà un scandale : « On ne donne pas un théâtre en habitation à
des saltimbanques ».
Le succès avec les enfants, souda l’équipage le temps de jouer les contrats en signature.
Puis il y eut un premier changement d’androïde. Il fallait trouver un lieu pour répéter, dormir et tout le reste.
Arriva le château de Chamarande, Immense domaine vu d’hélicoptère sur
la carte postale écornée, dans mon agenda depuis longtemps :Université
du 3e millénaire.
Université de l’évolution individuelle. C’était dans le registre pour
la Nef-Musiq, pour continuer cette « Fièvre des commencements ».
Au début, nous étions clients, on louait très cher une grande salle
dans le château, la salle Louis XV, et des appartements pour l’équipage
de base.
C’était l’hiver, le Louis XV était glacé malgré le chauffage. On
installait la Nef, la réduisait aux grandeurs de la pièce. Il fallait
retravailler sur la structure
qui était trop grande pour certaines scènes. C’était une ambiance fer à
souder, accrochage d’écran, tout en jouant dedans, avec des sorties
dans les couloirs du château
pour répéter des textes et entrer dans l’emprise du domaine.
J’avais fait des auditions dans les milieux danses contemporaines
pour trouver la danseuse. Bien sûr il n’y en eut qu’une : Roswita
— « Je peux changer l’esprit de l’androïde » dit-elle avec un accent
charmeur, en regardant la cassette d’une répétition de la première
monture.
Un souffle opéra
germain fut introduit, elle en fit un personnage doux, en
rondeurs comme elle, avec une gestuelle troublante. plus un robot charnel,
mais une représentation antique, perdue et solitaire qui aurait trouvé
un vaisseau, un temps et deux navigateurs, qui voudraient s’arrêter,
rester avec elle,
laisser la violence, se laisse
aller à ce qu’elle est, cachée dans la répétition des incarnations : un
corps d’adoration aux courbures extrêmes pour apporter du chaud,
du
tremblé, du revigorant au centre d’un hiver qui traversait le décor.
— « Ça rêve ?, ça bosse ! »
Le chef, il faut bien
l’appeler comme cela, le responsable des lieux, le « père » de cette
bande que je voyais vivre entre les répétitions, s’appelle Roland
Chevriot.
Il a créé, avec son
groupe de Chamarande, le Salon Marjolaine, est à l’origine de Nature et
Progrès, et du mouvement du bio. Tout le nouvel âge de ce côté
de l’Atlantique,
avant l’arrivée des marchands, des
autres, des héritiers et d’un certain public, tenait à une petite
dizaine d’êtres pionniers dont Roland était l’élément indispensable,
ayant toujours voulu agrandir à une action plus lointaine, plus globale
avec des propositions concrètes vers le tiers-monde.
Dans le groupe pas de
gourou, surtout pas lui. Pas une secte puisqu’ils n’avaient pas tous
les mêmes croyances. Le seul point commun c’était d’être là ensemble
sur le domaine,
dans une nature de cent hectares de bois, prairies et
étang, un arrière-goût royal du château Mansart du 17e siècle, et une
idée du futur, expérimenter pour le 3e millénaire,
et encore rien
n’était obligatoire sur ce sujet. Il y avait une partie du groupe en
dérive, qui voyait le futur pas plus loin que la semaine suivante.
Le boulot c’était
d’accueillir des stages, les enfants de la ferme-école. se relayer à
tous les postes. Un degré de rencontre avec les clients, différent.
De l’argent de poche,
une vie de château, avec une course pour certain, et une lenteur pour
d’autres, avec un ouvrage énorme sur l’ensemble, et une attente de
fêtes.
Comme dans toutes les
histoires de domaine, il y
avait moyen et risque de s’enliser dans ces terres-là, dans cette
nature sans âge et sans déclin.
Dans l’histoire, il est inscrit sur la
plaque de marbre noir de la façade du château, dans la cour d’honneur :
« Que la paix soit sur l’occupant des lieux ».
Comment ne pas imaginer, ces gens qui
animaient la demeure sous Philippe Auguste ou Louis XIV, ou dans les douves,bien plus avant.Petite réplique de
Versailles,
d’après les dessins de Lenotre, combien d’amour s’est
versé, corps soudés sous le hêtre pourpre adossé à l’ancienne chapelle. feu des passions et des instincts
assouvis près du lac,
de l’île, de la cascade. nobles, manants, paysans et voyageurs réunis dans le haut des sens.
« Mademoiselle,
rendez-vous ce soir, au douzième coup de minuit, dans la chapelle.
N’amenez pas vos gardes. Le royaume est sans dessus dessous
Le châtelain passager »
Combien ont compté les espèces de plantes, fondu aux
cyprès chauves bordant l’île aux nénuphars, aux marronniers d’Inde, aux
ailanthes de l’allée des lilas ?
Soit on ne regarde
rien, on sent la beauté. Seulement, on est dans la conquête de corps,
de biens, de coeurs, soit, un jour on regarde de près, et on craque sur
l’ordinaire :
des feuilles disposées en étoile : la prèle des
champs. On y met du spirit, on appelle autour, mais tout est normal et splendide.
chez l’iris jaune de marais, chez les
chevreuils qui franchissent la Juine. Le Ginkgo arbre
fossile pour soigner cette circulation qui a trop véhiculé le sang de
la passion.
Les tilleuls dans
l’allée d’honneur, les aunes près du bord du lac, se faufiler le long
de la cressonnière. Si il n’y avait que
cette nature, il n’y aurait aucun moyen
de s’enliser dans ces
terres-là, il y a toujours du bon, tôt ou tard à cette réception.
J’étais à me demander
comment Jean-Pierre maitre de cuisine, pouvait faire pour mélanger quelques légumes avec
quelques épices et avoir cette saveur dans l’assiette,
ce goût qui
remonte lentement vers le cerveau, de la langue au bonheur.
Il me dit :
— « Proposes quelque chose, demande à rester. Ce n’est pas parce que
vous n’avez plus d’argent qu’il faut partir, on a besoin d’un côté
artistique.
Il y a une réunion ce soir, tu viens, tu parles ».
Roland — « Alex tu as vu que les salades montent ? Bon !
Nous sommes à la
croisée des chemins il y a un défi, allier la création de richesses
matérielles et financières, avec la construction du monde de demain.
Etre dans la pensée globale. Quand je dis
financières, c’est pouvoir continuer, pouvoir rester sur
le domaine, ou se redéployer harmonieusement dans un autre lieu. »
A notre arrivée, cela
sentait la fin, mais avec des re-départs tous les jours. Les
propriétaires : le Conseil général voulait récupérer le domaine,
les
relations avec eux étaient très compliquées. Pendant qu’il parle, je
regarde juste derrière, ses cheveux argents, par le carreau, le
noir profond,
et les premières étoiles qui sont mon nouveau spectacle de
tous les soirs.
Monika — « Pour moi
toutes les circonstances de la vie découvrent sa perfection, on a les
reines, nous avons tout ! Il suffit de le savoir,
travailler chaque
minute avec cette force, laisser jouer les choses aussi, rien n’est
négatif. »
Flo — « Oui, mais moi
je ne me revois pas dans la vie normale. Il y a une limite au rien
négatif, si, si, je peux retrouver un cocon à moi avec… »
Sylvie — « Il faudrait
être plus commerçants, partir gagnants. Pas penser qu’on peut se
planter. On peut partir vendre des trucs, travailler en dehors,
moi je
vends bien des fleurs dans les restaus les week-ends. »
Olivier — « Matériellement on peut assurer, par nous-même. »
Joëlle — « Il est
possible d’avoir une politique de communication, d’avoir des séminaires
autres que le développement personnel, l’ostéopathie et le yoga,
développer les contacts avec les entreprises, les partenaires sociaux. »
Bernard — « Il faut
rester avec ce que l’on est, on vivra peut-être pas des moments forts
toute notre vie. Un jour on dira Chamarande c’était autre chose,
c’était génial.
Ne rien perdre, développer les racines, écouter les
gens, respecter la parole, les mots, apprendre des anciens, être paysan
et rock and roll en même temps, blues …On
verra. »
Patricia — «
Exactement, et puis faire la fête, organiser cela, avoir des tonneaux
de bière tout près et rire ! C’est bon pour le coeur… »
Jacqueline — «
J’aimerais qu’il y ait une meilleure organisation, une meilleure
qualité dans nos rapports, moins de déprimés et de rebelles,
avoir un
objectif commun vraiment net. »
Hubert — « On a chacun
des idées, des pratiques spirituelles différentes, mais nous avons un
terrain, un terreau pour développer l’intérieur,
cela il faut le garder
absolument dans le respect de l’autre, qui peut croire autre chose. »
Myriam — « Oui, mais
je veux vous parler des réalités financières, si on ne passe pas, on ne
passe pas. Moi j’aime bien parler juste de conscience,
mais c’est moi
qui fait la compta. et en même temps mon but pour toute la suite,c'est l'aide, et je sais que c'est le sens qui va me rester »
Jean-Yves — « Moi j’ai
une idée de vergers, de pommes biologiques chez moi, près du Mont Saint
Michel, ici une idée originale avec un projet sur dix ans,
cela
mettrait des gens stables, cela pourrait être une assise pour le reste.
Juanita — « Moi en
Argentine avec la gymnasia, j’ai appris qu’il y a vraiment des
techniques pour libérer les freins et prendre la vie comme une danse
en
assurant le matériel autant que les affaires de l’esprit. »
Les réunions étaient
interminables, il y a des jours où c’était de la réunionnite aiguë,
d’autres où c’était la voie de tous, avec un égrégore au-dessus ? Une
croyance collective ?
Alex — « Il faut
m’aider au jardin, je fatigue, c’est trop grand. Peu de temps, tous
ensemble, c’est mieux. Et chacun doit développer sa liberté,
expérimenter à fond,
si on ne le fait pas, qui va le faire ? Planter de
l’herbe, changer de niveau de perception avec…
Petit Pierre — « Non,
mais arrêtes là, c’est les plans communautés des vieux, moi je suis
jeune, je veux tout changer. Trouver une manière de vie ici,
qui nous
marginalise pas dehors.
— Oui, je voulais dire inventer, sortir…
Castelli — « Je vous
emmène le premier exemplaire. J’ai fait au Mac une gazette, tribune
libre, exposer chacun nos projets, organiser notre auto-formation,
vous
savez que j’ai une association, « Locomotives » porteuses de projets,
se préparer à sortir. Le spirit oh ça explique pas tout, il y a autre
chose, il faut chercher.
Je mets à disposition tout mon matériel,
studio de musique, sérigraphie d’art, informatique mais c’est dans le
matériel, conceptuellement il faut chercher dans…
Evelyne — « Attends,
je suis bien ici, je suis prête à tout ici. Je ne veux pas retravailler
dehors. Avoir moins de fric mais ne plus se prendre la tête.
On s’est
défoncé à travailler pourquoi ? Pour acheter plus de matériel qui sera
dépassé, qui ne servira plus ?
Claudine — « Si nous
n’avons pas de préoccupations hautes, qui en aura ? Faire
descendre de l’esprit et aider à remonter les autres à ce
niveau-là.
Raymond — « On est beaucoup à être entre deux extrêmes. Soit boire,
s’oublier, se fuir, soit je vous passe tout ce que ma route m’a offert,
l’acupuncture chinoise,
la cuisine bio, développer le spécifique de
chacun. »
Elisa — « Je vous vois
tous très différents, la différence peut faire la richesse, pas la
séparation. »
Roland — « Dans le
monde cela fait la séparation, si seulement notre petit vécu ici
prouvait l’inverse, nous aurions fait un pas de 3e millénaire,
c’est la
prétention que nous avons, il n’y a plus qu’à la vivre.
Danou —
« Moi je voulais toujours vivre en communauté, pleins d'Etres autour et
être avec eux, parler,comprendre, aimer être porté, hissé par le flot,
les rencontres
et le changement plus rapide que le quotidien, Fête permanente et
retrouver mon Yvans entre, pour jouer et enrichi de ce monde
autour,comme un rêve choisi
qui ne s'arrettes pas et continue en actes sa journée et les autres.»
Marcelle — « Moi, je
viens pour les enfants quand vous faites la ferme-école. Cela peut être
rempli sans arrêt, pour les enfants de banlieue, de Paris c’est un
paradis. »
C’était ma
proposition, une saison culturelle, avec des expos, la nef dans une
serre, des nuits astronomiques.
C’était fait. Nous
étions dans le groupe. Possibilité de se relayer dans les stages reçus,
c’était du voyage en restant à la même place.
SUITE
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